
Depuis que j’habite ici, j’ai repris des habitudes de célibataire endurci. Cela m’a permis, certes, de me recentrer et en même temps, je ne peux nier que parfois la solitude est pesante. C’est un peu comme une réminiscence de ce que je pouvais ressentir à Toulouse, l’étrange sensation que cette ville n’a rien à m’offrir et que tout concorde, dans n’importe quel domaine, pour me le faire comprendre. Je ne suis pas malheureux ; ce n’est pas le bonheur fou non plus, je le concède. J’suis entre les deux, dans cette zone nébuleuse, là où j'ai passé la majeure partie de ma vie. Ce n’est pas aussi inconfortable qu’il n’y paraît et cela offre, point positif, beaucoup de liberté (plus serait indécent !). Je m’en accommode, comme la chèvre a bien dû s’y faire quand le loup l’a mangée. Sur ce point-là, je ne me distingue guère de la plupart de mes congénères dans cette quête universelle de recherche subjective du bonheur. L’idéal serait d’être avec quelqu’un qui accepte “le chacun chez soi” et profiter ensemble des bons moments de la vie ; je n’en suis plus à faire des plans sur la comète, les attentes sont désormais résolument plus modestes. Seulement voilà, ce “mammifère vertébré idéalement compatible et définitivement masculin”, je ne le vois pas, il ne me trouve pas, je ne le cherche pas vraiment non plus… je ne sais même pas, en fait, s’il existe ou bien si, dans le passé, je n’ai pas su le garder ? Il se peut également que j’ai été équipé d’un programme sentimental expérimental non exploitable pour notre époque. Parfois, je m’imagine qu’il y ait une équation, une formule métaphysique pour calculer savamment l’espace spatio-temporel qui me sépare de lui, autre que par les voies empiriques et ésotériques, du marc de café, des tarots ou des horoscopes.

Je sors peu et en dehors de la question financière, je crois que j’ai laissé s’installer une sorte de léthargie ; le manque d’envie ou d’énergie enfin, quelque chose comme ça. Il m’arrive de refuser des invitations ou de ne pas en lancer. L’automne dernier, j’aurais pu, par exemple, me rendre à la Biennale d’art contemporain. Or, dans mon douillet nid d’isolement, je me suis contenté de regarder les photos de l'événement prises par Calyste. Une chose est sûre : “l’élu” ne viendra pas frapper à la porte. Souvent, durant mes jours de congé, je reste un temps assez considérable devant un café, le regard extérieur ventousé sur la ville et celui intérieur faisant de l’apnée dans une certaine nostalgie. Cela n’a rien ni de triste, ni de pathétique… c’est comme certains regardent de vieilles photos. Seulement moi, des photos, j’en ai une quantité infinitésimale et il me reste les souvenirs qui malgré une tête avec une circonférence crânienne dans la normale tiennent à peine dedans alors, je n’ai pas besoin non plus d’en avoir plein les tiroirs. Le temps passe et une conclusion quelque peu péremptoire s’installe qui est que finalement : “L’Amour, ça n’arrive pas à tout le monde”.
(À suivre…)
[+] La p’tite musique qui va bien avec ⏯️ All India Radio - “Four Three”
[+] Crédit Photos : Michael Vincent Manalo