Peut-être me fais-je des idées, mais il me semble discerner, derrière certaines invitations, la tentative bienveillante (et légèrement maladroite) d’un couple d’amis pour rapprocher deux âmes légèrement cabossées. Je suis l’une d’elles. L’autre est presque toujours là lorsque nous nous retrouvons, comme une présence devenue familière à force d’être imposée. Je prête peut-être trop d’intentions à ceux qui n’en avaient pas tant, mais j’imagine qu’ils se sont dit que, faute d’attirance, nous pourrions au moins apprendre à nous connaître. Il n’en est rien.
Je n’accroche pas. Et, je ne serais pas étonné que ce soit parfaitement réciproque. Les rencontres arrangées n’ont de grâce que dans les films… ceux où la musique s’élève au bon moment et où la complexité humaine s’efface poliment. Dans la réalité, il reste un homme qui se sépare, qui vend la maison qu’il habitait à deux, qui cherche un nouvel appartement. Et moi, en face, je n’ai pas grand-chose à offrir en retour, sinon ce que j’ai déjà déposé ici, fragment après fragment, tout au long de ce blog. Une matière confuse, difficile à résumer, encore moins à partager. Autant dire que le pitch n’est pas très vendeur.
Je ne sais plus très bien où j’en suis émotionnellement. Je me surprends parfois à regretter une vie sociale grignotée par le travail, tout en pressentant que cette situation m’arrange plus que je ne l’admets. Ces derniers temps, je prends soin de moi, du corps, de l’esprit, et ce recentrage m’a fait du bien. J’ai retrouvé une forme d’équilibre, fragile mais réel. J’accepte ma traversée du désert avec un calme presque suspect, comme on accepte un paysage déjà connu où j’ai presque mes habitudes, mes silences, et cette façon particulière de respirer quand rien ne vient troubler l’espace.
Je suis dans une période où le lien me fatigue, où la solitude m’apaise. Les interactions sociales m’épuisent avant même d’exister, et l’idée de nouvelles rencontres, amicales ou senti- mentales, me semble disproportion- née, presque inenvisageable. Comme souvent dans ma vie, je n’ai pas seulement besoin d’un but, mais d’un commencement crédible, d’un point de départ. Alors j’attends ; le début de l’an prochain. Après tant de secousses cette année, je verrai si cette humeur se fige dans une solitude que je découvre moins rude que prévu, ou si quelque chose en moi consent à entrouvrir la porte, à risquer un regard vers l’extérieur. Rien n’est décidé. Je demeure sur le seuil, attentif, sans empressement, dans cet entre-deux où l’on ne renonce pas encore, mais où l’on ne force plus rien. Après tout, rien ne presse… rien ne presse plus.
[+]La p’tite musique qui va bien avec… ⏯️ Ásgeir - “Borderland”


