samedi 3 mai 2025

Les insoupçonnables pouvoirs du monde du silence - Part.5

“Nous sommes nos choix” - Jean-Paul Sartre


Dans un sens assez général, l'aptitude à aimer devrait déjà commencer par soi-même. Au début des années 2000, je ne suis même pas sûr de seulement m’apprécier. Tout était discordant : le travail, les relations amoureuses, la vie sociale, la famille, presque tout était dévoré par un mal-être. Je reconnais que, tout en la niant, cette souffrance profonde, je l'ai parfois faite payer de manière excessive et injuste, par un comportement acrimonieux devenu insupportable pour mon entourage, à commencer par moi. Bien que je sois indifférent à l'image que je renvoie, je n'avais pas pour ambition de devenir, non plus, un connard beurré des deux côtés. 

Alors, pensant sans doute qu'un nouveau décor changerait la situation, j’écoute mon cœur et je pars m’installer aux États-Unis en laissant mon cerveau à la consigne. Je reviens, un peu moins d’un an plus tard, brisé, anéanti et toute ma vie contenue dans une valise que British Airways a trouvé le moyen de paumer. Je ne l’ai jamais réclamée ; préférant clore définitivement un chapitre de ma vie, pour entamer le nouveau, sans plus rien hormis, mon portefeuille, ma bite et un briquet. Néanmoins, dans le lointain, je perçois distinctement le tic-tac de l’horloge d’un renouveau ; un besoin irrépressible de revenir à l'essentiel. Jusqu’ici, par manque d’ambition peut-être, j’avais laissé aux circonstances la maîtrise de mes objectifs de vie. À présent, le plus important à accomplir était de renouer avec la simplicité. Sur le plan matériel, une compagnie aérienne s’était chargée de peaufiner mon minimalisme. Par nature, je suis déjà une menace pour le système, j’ai peu de désirs, je ne suis pas envieux aussi, l’argent, les belles montres, les fringues de marques (ou pas), les grosses voitures, le blingbling en général et le superflu en particulier, n’ont jamais été ma cam. Ça ne me dérange aucunement de rester une semaine dans les mêmes fringues ou d’utiliser un portable de l’ère glaciaire. 


Côté relationnel, les amis avec qui j'ai grandi et évolué mutuellement se comptent sur une seule main, et cela me suffit amplement. Pour ce qui est du reste, le simple fait de supprimer les réseaux sociaux a suffi à éliminer les situations chronophages, les relations vaines et les emmerdes aussi efficacement qu'un bon typhus. Cela m'a pris des années, beaucoup de remise en question pour créer mon monde sans faire chier autrui, certes ; mais être en accord avec moi-même a été bien plus précieux que n'importe quelle forme d’inconfort. J'ai fait le choix de la solitude. Je l'ai vécu à une époque comme une épreuve mais elle s’est transformée en véritable privilège. C’est elle, finalement, qui a déterminé la profondeur et la qualité de mes relations, plus que leur nombre. Elle a installé également une forme de maturité, peut-être même d'intuition, je sais quand m’impliquer et quand me retirer afin de ne plus être esclaves des attentes des autres ou d’avoir à prouver quoi que ce soit à quiconque. Le bénéfice collatéral réside dans cette force qu'est le silence qui a su résoudre à lui seul toutes les difficultés de communication auxquelles, jadis,  je faisais face. Malgré cela, pour bien “pousser”, il faut aussi “se planter” et il y a eu des erreurs, des rechutes, des personnes auxquelles je n’ai pas pu m'empêcher de m'attacher, des personnes que j'aurais souhaité inviter dans ma vie, mais qui sont restées à l’extérieur, figées sur le seuil de leur incompréhension. Je me console en supposant que cela faisait sans doute partie d’un genre de processus darwiniste de sélection naturelle. Pendant des années, espérant une improbable alchimie, j’ai attendu que mon existence évolue. C’est déroutant qu’il m’ait fallu approcher de la cinquantaine, alors que très jeune, j’avais déjà toutes les clés en main, pour réaliser que c’est elle qui attendait que je me bouge et vive une vie que les autres semblent avoir de la peine à comprendre. En réalité, ont-ils vraiment besoin de la comprendre ? Ce n’est pas la leur après tout. 

(À suivre…) 


[+]La p’tite musique qui va bien avec… ⏯️ Melanie De Biasio - “Your Freedom is the End Of Me”

4 commentaires:

Calyste a dit…

Le portable de l'ère glaciaire ! J'ai le même !

Orpheus a dit…

J’approuve. Le luxe plus dans la possibilité de pouvoir créer un monde en adéquation avec sa personnalité qu’en l’achat du dernier gadget à la mode du moment.

[Nicolas] a dit…

Je n’ai pas de réponse à ce commentaire, je ne sais pas si j’ai vraiment la notion du mot “luxe”, je ne saurais pas à quoi le rattacher.

[Nicolas] a dit…

Et comme le mien je suppose, il passe et reçoit des appels... c'est la seule chose que je lui demande.