"La vie, ce n'est pas avoir et obtenir, mais être et devenir." - Myrna Loy

Les engrenages du destin semblent s’être remis en marche. Rien de surprenant, en vérité : depuis le début de l’année, je sentais confusément que quelque chose se préparait. Et me voilà, fin mai, face à quelques cartons contenant le peu d’effets personnels que je possède et qui, déjà, me semblent de trop. Hormis mes inséparables plantes vertes, les deux tiers sont des livres. Impossible de m’en défaire. Ce n’est pas qu’ils aient une valeur sentimentale : aucun n’est véritablement lié à un moment de ma vie. Ils reflètent moins une richesse intérieure qu’une curiosité insatiable. Je ne saurais dire s’ils répondent à un besoin d’ancrer une histoire, de justifier une identité intellectuelle. Mais une chose est certaine : je m’y replonge souvent. Pour retrouver une citation, un bon mot, une idée justement formulée, bien mieux que je ne pourrais le faire moi-même. Me séparer d’un bouquin, c’est prendre le risque de perdre une connaissance précieuse. Pour le reste, c’est plus simple, même si cela peut demander du temps ; à quoi bon garder dans les placards ce qui ne sert que très peu, voire jamais. Trier, jeter, donner ces objets que je gardais par pur attachement ou sentimentalisme, ces choses qui, au fond, me possédaient plus que je ne les possédais. Je me demande souvent jusqu'où ira mon besoin de désencombrer ma vie, et d’où me vient ce désir presque obsessionnel de tendre vers toujours moins. Est-ce pour favoriser mon bien-être ? C’est possible. Pour atteindre une forme de bonheur ? Ce serait sans doute bien ambitieux.
Je mets l’appartement en vente. Ce n’est pas tant pour aller au bout de ma démarche bien que ce ne soit pas sans rapport. Je ne me sens pas à ma place ici et tout concorde pour me le faire comprendre.
Je ne peux pas nier, bien que cette décision soit réfléchie, qu’il y ait au fond comme un sentiment de “fuite”. Peut-être me dis-je que repartir à zéro, sur une page blanche, une toute nouvelle histoire pourra s’écrire. Je n’aime pas trop cette idée (elle ne me valorise pas des masses) mais bon, c’est une probabilité à ne pas négliger. Si tel est le cas, la véritable question serait alors : que suis-je en train de fuir, ou bien, qu’essaye-je de poursuivre ?" Pas besoin de descendre en spéléo dans les profondeurs de mon esprit pour savoir intuitivement de quoi il s'agit, même si d'autres facteurs entrent sans doute en ligne de compte.
Professionnellement, j’attendais la bonne opportunité, au bon endroit, pour franchir mon Rubicon. Un emploi qui m’emmènerait jusqu’à la retraite, avec, au loin, ce petit parfum d’écurie… D’ici là, il me reste encore quelques années de trot avant de regagner le paddock. Dans l'idéal, j’aimerais que ce soit mon dernier poste. Reste à voir si "l’idéal" est au courant ; en attendant j’égrène pieusement le rosaire de mes trimestres.
Il y a tout de même une finalité à tout ça à terme. Dans le tumulte ambiant, j’ai réussi à m’aménager “ma petite crique déserte” à moi, un recoin à l’écart des marées sociales, façonné par une quête intérieure qui me tient lieu de boussole. Pourtant, moi aussi, “mon regard reste plongé vers l’horizon”, nourri par l’espoir que, délesté un jour du poids des contraintes professionnelles, je pourrai enfin, loin de ce pays, aborder des rivages plus en harmonie avec mon monde intérieur ; loin du vacarme, plus près du sens, plus près de l’essentiel. Ce n’est pas vraiment un nouveau départ, plutôt la suite naturelle, presque inévitable, d’un chemin de simplification que je peaufine depuis de nombreuses années. Une lente épuration, patiente et lucide. Et puis, je me souviens de cette phrase lue quelque part, dont j’ai oublié l’auteur mais pas la pertinence : « Rien n’est plus intéressant dans la vie que ce qui va vous arriver. »
4 commentaires:
J’admire ta sérénité vers ce nouveau chapitre… le respect est total.
(Et touché pour le lien)
"Me séparer d’un bouquin, c’est prendre le risque de perdre une connaissance précieuse." A quel point j'adhère !!!!
De tout ce dont je me suis débarrassé (en particulier lors de mon dernier déménagement), je ne regrette rien, sauf une chose : une collection de boîtes d'allumettes ! C'est con, non ?.
Et puis il y a des gens qui partent seuls.
@Orpheus: merci, ce changement semblait comme une évidence
@Calyste: la connaissance prend beaucoup de place.
Enregistrer un commentaire