samedi 19 juillet 2025

Where Do I Begin… - Part.3

“Le couple c’est ne faire qu’un. Oui mais lequel ?” - Oscar Wilde

Dans les années 90, une certaine anxiété collective entourait la sexualité, comme si le désir s’accompagnait inévitablement d’un danger ; de quoi freiner les ardeurs, même si, en ce qui me concerne, je ne ressentais pas une urgence particulière à franchir ce cap. À l’époque, quand les smartphones et Internet n'étaient encore qu’une idée embryonnaire dans les couilles neuronales de ses inventeurs, il y avait ces numéros surtaxés planqués en fin de journaux gratuits des petites annonces. À chaque fois que je lisais “gay”, noir sur blanc, c’était comme si le mot lui-même levait un sourcil dans ma direction pour éveiller en moi une curiosité obsédante, une pulsion impossible à nier. J’y voyais un accès discret à une sexualité que je n’avais pas encore pu vivre, une brèche hors du cadre imposé. Ces lignes, ancêtres des applis de baise actuelles, avaient tout pour devenir addictives si seulement le prix à la minute n’avait pas été aussi violent que le manque qu’elles laissaient derrière.

Néanmoins, mes deux tentatives ont été avant tout de belles rencontres. La première m’a offert ma première fellation, troublante d’intensité, brutale de sincérité, jusqu’à me faire frôler la perte de conscience. La seconde m’a initié aux plaisirs charnels masculins, sans jamais bousculer quoi que ce soit, dans un total respect et le silence brûlant propre aux premières fois. Le monde s’effaçait, mon corps se lâchait enfin. 

Deux personnes d’une rare sensibilité et délicatesse, presque irréelles ; un contraste saisissant avec ce que sont devenues les rencontres au fil du temps. Je sentais bien qu’ils espéraient peut-être davantage. J’étais très jeune, alors pour moi, tout cela n’était encore qu’une exploration sentimentale à la frontière floue entre l’attachement et le hasard. Cela ressemblait toujours de loin, mais jamais de près, au conte de fée que je m’étais imaginé autour de la rencontre du prince charmant. Ai-je eu tort ? Je me cherchais sans vraiment me compromettre là où, peut-être, autre chose aurait pu naître de ces instants vibrants dérobés à la nuit.


(À suivre…)


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8 commentaires:

Orpheus a dit…

J’aurais jamais pu utiliser ces lignes téléphoniques surtaxées. Pas pour des raisons de morale. Quand je vivais chez mes parents, j’aurais eu trop peur que le numéro apparaisse sur la facture détaillée. Et quand j’étais étudiant dans mon appart, je n’avais pas les moyens de claquer des thunes là-dessus. Heureusement à cette époque les boites gays (Scorp, Queen, Palace, etc…) étaient gratuites en semaine… C’était mon terrain de chasse de prédilection… Je me demande si ces numéros existent encore d’une manière ou d’une autre ou s’ils ont été achevés par les applis de rencontre.

Calyste a dit…

Tu as eu de la chance avec tes premières rencontres, tout en douceur. Le premier homme que j'ai rencontré était d'une tendresse extrême et sentait très bon (à 15 ans, je n'avais pas encore découvert le parfum ni même l'eau de toilette). Le deuxième a été très brutal et m'a traumatisé pour un moment.

[Nicolas] a dit…

@Orpheus: Ces lignes ont bien dû disparaître, c'était un peu comme les œufs Kinder, on ne savait pas trop ce qu'on allait trouver dedans 🤣

[Nicolas] a dit…

@Calyste: Je suppose qu'on passe sa vie à éviter les gens bizarres... jusqu’au jour, on en embrasse un.

estèf a dit…

Il y a une notice Wikipedia sur le téléphone rose mais elle est dépourvue de partie historique. Dommage, j’aurais bien aimé savoir quand ceci a commencé ! Je me souviens bien des annonces dans les gratuits mais impossible de dater ça. En tout cas, mon père surveillait tellement les dépenses et factures que je n’aurais jamais osé…

[Nicolas] a dit…

@estèf: c'était fin des années 80 début des années 90, quand tout ou presque était encore analogique 😊

Laurent a dit…

Quand je pense que j'ai répondu à une petite annonce parue dans Honcho...

[Nicolas] a dit…

@ Laurent: C'était un magazine gay ça, non ?! 🤔