“La solitude, ce n’est pas être seul. c’est être entouré de personnes qui ne vous comprennent pas.” - Jules Renard
Ni un cancre, ni un premier de la classe, mon enfance est à l’image de ma vie : un cheminement en équilibre sur une ligne médiane. À l’école, je rêvassais, ce que confirmaient mes carnets de correspondance. C’est tout de même un soulagement pour mes Parents qui présupposent que j’aime l’école alors que moi, j’aime surtout apprendre ; seulement, pas ce qui y est enseigné. Leur enthousiasme dégringole alors aussi sûrement qu’une colonne de mercure en plein arctique. Il fallu peu de temps à mon Père, en sautant une ligne de mon livre de lecture, pour réaliser que je savais mes leçons mais que j’étais incapable de déchiffrer un seul mot. Et c’est en classe de CP, dans des senteurs froides de colle “cléopâtre”, de copies aux odeurs d'alcool, buvards et stylos encres qui tachent, que je passe mes récréations du second semestre en cours particulier avec ma “maîtresse” ; les temps ont bien changés, n’est-ce pas ? Une fois acquise, la lecture est devenue une vraie boulimie ; ça ne m’a pas lâché.
J’ai toujours eu beaucoup de difficultés avec les autres. Pendant longtemps, je me suis dit : “reste toi-même et le monde s’adaptera”. Pas si simple en définitive, la stratégie aurait mérité quelques remaniements et, c’est naturellement, dans les livres que j’ai tenté de trouver les correctifs. J’espérais résoudre l’insoluble équation qui m’aurait permis de rester tel que je suis tout en me défaisant de l’image que les autres avaient de moi : genre “Mercredi”, de la famille Adams, version masculine. C’était moins pour être accepter que pour comprendre : je ne pigeais pas pourquoi certains comportements étaient évidents pour les autres et pas pour moi ? Pourquoi une phrase identique dite par un autre ou par moi était perçue de manière différente ?
Mes espoirs résidaient dans des ouvrages aux titres prometteurs : “Pour ne plus vivre sur la planète TAIRE”, “Le courage d’être soi”, “Cessez d'être gentil, soyez vrai !”, “Si je m’écoutais, je m’entendrais”, etc. (sic). Intellectuellement, je comprenais parfaitement les concepts, quant à les appliquer, mon mental a fini par s’épuiser à force de saupoudrer les phrases de sucre rose bonbon jusqu’à ce qu’elles prennent des allures de barbe à papa géante qui ne reflétaient plus du tout le fond de ma pensée ; avec en parallèle, un naturel et une personnalité qui se disputaient vainement leur tour de garde perdus dans un trou béant au allure de siphon. Tout cela, simplement pour ne pas heurter l’ego éminemment susceptible de collègues, le cul assis conjointement sur leur incompétence et le titre pompeux de leur fonction ou, d’ex-enfants roi d’un insondable orgueil irrespectueux à ménager à tout prix : “bichettes” : insupportable !
Dans un même temps, j’ai écumé les rayons de développement personnel. Ces nouveaux dogmes pour la plupart inspirés de la psychologie positive et qui sont, un peu, ce que le père Noël était pour le New Age. Certaines de ces lectures sont loin d'être sans intérêt, elles m’ont même apporté des enseignements mais également leur poids de frustrations. Toutes ces pages remplies d'injonctions à peine dissimulées, donnaient à penser qu’il était anormal de ne pas être toujours souriant, plein d’amour et de bonheur, magnétique et irrésistible - rien que ça-. C’était déjà beaucoup d’efforts pour moi de me forcer à être positif dans mon activité professionnelle alors qu’en dehors j'étais bien conscient que nier ou réprimer mes pensées ou émotions négatives ne les ferait pas disparaître. Finalement, les frustrations m’ont mené à l'exaspération puis à l’épuisement sans même la satisfaction d’avoir évolué dans ma relation aux autres. Au contraire, je crois que j’étais largué plus que jamais. Ce serait à refaire, je m’en tiendrais aux philosophes de l’Antiquité ou autres écrivains, penseurs et poètes des Lumières ou du Romantisme : ils avaient déjà tout cerné, tout compris. À un moment de ma vie, je me suis senti complètement vidé. En guerre déjà contre tout et tout le monde, je me sentais en plus, maintenant, contraint de me battre contre ma propre nature. Difficile dans ces conditions d’être en paix avec moi-même. Il me fallait prendre un peu de distance et, c’est dans d’autres flacons que je suis allé chercher, l’illusion d’un réconfort.
(À suivre…)
[+]La p’tite musique qui va bien avec… ⏯️ Dekker - “Tethered, Wrapped Around”
1 commentaire:
Sinon, la littérature de développement personnel, j’ai jamais pu… j’ai l’à priori d’y trouver trop de généralité consensuelle pour traiter du cas particulier…
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