samedi 19 avril 2025

Les insoupçonnables pouvoirs du monde du silence - Part.3

“Ce n'est pas un signe de bonne santé mentale d'être bien adapté à une société malade.” - Jiddu Krishnamurti

Est-ce que je me sens unique dans ma merde, seul, marginal, “spécial”, incompris ? Non, pas du tout. Je pense simplement que tout le monde n’est pas fait pour suivre le courant et comme d’autres de mes congénères, pour des raisons qui nous sont aussi diverses que variées, nous avons différentes façons de le manifester. “Il me fait beaucoup penser à toi”, ce sont les mots de ma Soeur en me parlant de mon Neveu (je ne suis pas certain que ce soit un compliment). C’est en suivant son évolution, que j’ai réalisé les incommensurables efforts que mes Parents ont dû fournir pour tenter de m’amidonner dans le costume sur mesure de la conformité. C’est simple, je n’aimais pas être avec les autres ou du moins, pour modérer mon propos, d’être contraint de supporter des personnes avec lesquelles je n’avais pas choisi d’interagir. Cela m'a toujours paru hypocrite, insupportable et énergivore de céder une part de moi-même en contrepartie,
soi-disant, d’une intégration dans un monde qui tient pour moi plus de l’illusion que d’une réalité objective. Cela ne veut pas dire que je hais les gens ou que je cherche à éviter tout contact social. Malgré ma méfiance envers l’humanité dans son ensemble, il m’arrive parfois de faire crédit aux particuliers.


Plus jeune, sans pouvoir vraiment le conceptualiser, je pense que j’avais compris, dans un certain innéisme, la différence entre socialiser par choix et socialiser par obligation. Je n’ai jamais eu de patience pour les banalités, les relations superficielles, les personnes qui se sentent obliger de parler et d'agir comme ils pensent devoir le faire dans l’espoir de m’impressionner ou d’obtenir mon acceptation forcée. De mon enfance jusqu’à il y a encore une vingtaine d'années, cela se traduisait en retour par un comportement primesautier exacerbé et une réponse aux problématiques de la vie par une économie de moyen, le moins de contraintes possibles et une sincérité sans filtre. Ironie du sort, de ma préadolescence à ma vie d’adulte, je suis très exposé autant dans mes passions que dans mes activités professionnelles. Or, le simple fait d’être ce que je suis en toute franchise, m’a souvent été très lourdement préjudiciable, y-compris dans mes relations intimes. Tous, nous avons sciemment dû supporter des relations si pauvres en protéines qu’elles tenaient à peine debout, des conversations au sommet de la vacuité,  endurer la perception du mensonge sur les lèvres de notre interlocuteur, accepter la duperie de celui qui nous parle tout en cherchant l’approbation dans notre regard. J’ai dû maintes fois, par obligation (souvent professionnelle) “jouer le jeu”. Mais en fait, cette comédie à peine déguisée, me rend nerveux, chasse mon naturel qui finit par transparaître dans un langage corporel éloquent.

Que fallait-il faire ? Ouvrir les portes de la névrose à perpète et suivre le script social pour ne pas être la victime de ce que je suis ? Au milieu de ma trentaine, je m’interroge et expérimente ; moins pour être “accepté” que pour “exister”, non pour me fondre dans la masse mais pour survivre dans cette société qui veut bien qu’on soit soi-même “si et seulement si” on répond aux critères des nouveaux paradigmes sociaux et idéologies culturelles. C’est assez déconcertant de réaliser aujourd’hui, que les fruits de cette réflexion et les modus ponens en place déjà dans mon enfance aboutissent à la conclusion que le prix de la socialisation est souvent la médiocrité.

(À suivre…)

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